musicologie

2 décembre 2022 — Jean-Marc Warszawski

Les quatuors opus 54 de Joseph Haydn par le Quatuor Psophos

Joseph Haydn, Quatuors opus 24, Quatuor Psophos, Mathilde Borsarello, Hermannn, Bleuenn Le Maître, Cécile Grassi, Guillaume Martigné.

Enregistré en 2022 à la Cité de la musique et de la danse de Soissons

Le quatuor Psophos a été formé voici 25 ans au sein du Conservatoire national supérieur de Lyon par quatre musiciennes : Ayako Tanaka, aujourd’hui remplacée par Mathilde Borsarello Hermannn, Bleuenn Le Maître, Cécile Grassi et Ingrid Schoenlaub, aujourd’hui Guillaume Martigné. La formation a rapidement gagné en notoriété, dans les concours et tournées internationaux et a entamé dès 2001 avec le quatuor en fa mineur de Felix Mendelssohn, se collection d'enregistrements, ajoutant Franz Schubert (2002), le magnifique octuor de Mendelssohn en compagnie du Royal String Quartet, (2003), l’intégrale des quatuors de Maurice Ohana (2005), la seconde École de Vienne, Webern, Berg, Schönberg (2007), Nicolas Bacri (2007), Beethoven (2011). En 2014 les quatre accompagnent la contralto Marie-Nicole Lemieux (Naïve) et s’enjazzisent en compagnie de Jean-Marie Machdo (La Buissonne 2014), chemin de traverse tout droit qui peut faire penser à la démarche des Béla, autre fleuron du quatuor français. Puis ils reviennent à leur domaine en propre avec Ernó Dohnanyi et Johannes Brahms (2014), Ravel, Dutilleux, Debussy (2017), de nouveaux quatuors de Bacri (2022)… et l’opus 54 de Joseph Haydn, qui a donné ses lettres de noblesse au genre.

En réalité ces trois quatuors de 1788, font partie d’un ensemble de six, comme cela se faisait à l’époque où l’on vendait la musique par paquets de six ou de douze. Les six ont été répartis en deux opus, 54 et 55. On les appelle également les quatuors Tost i et Tost ii, bien qu’il n’y ait aucune trace de dédicace. Il y aura plus tard avec l’opus 64 les Tost iii. Johann Tost était le second violon de l’orchestre de Haydn au château des Esterházy. C’était donc un bon, mais il avait surtout la bosse du commerce. On suppute qu’il faisait de la copie pirate de la musique qui se jouait au château pour les vendre en loucedé. Il a vendu à l’éditeur Sieber, à Paris, les opus 54 et 55, aussi les symphonies 88 et 89. Sur l’ordre de Haydn ? À son insu ? Les versions divergent. Haydn était aussi un bon roublard commerçant qui savait vendre les mêmes partitions à différents éditeurs. Tost installa son commerce à Vienne en 1799.

Haydn n’a jamais cessé de parcourir le sommet de son art, mais à 56 ans il du métier et la jeunesse montante, comme Mozart qui a 32 ans, surtout le jeune Beethoven rencontré à Bonn quelque temps auparavant, qui a séjourné à Vienne au mois d’avril précédent, doit être stimulante : ce sont trois œuvres d’orfèvrerie sonore. Mais qu’il faut écouter, surtout le no 3, faute de quoi, on risque de passer à côté de merveilles et de détails étonnants. L’allegro du no 1 peut emporter l’adhésion, l’allegretto suivant extasier, comme l’adagio du no 2… mais dans le détail il se raconte plein de choses, comme ces modulations osées ou l’emploi si expressif des dissonances. Certes ce sera monnaie courante, notamment dans l’écriture de Beethoven, et bientôt ce ne seront plus des effets, mais la matière musicale même. Seulement, dans le contexte du style de Haydn, c’est saisissant et saisissant de beauté.

Coincé dans son château, serviteur de haut rang, ce dont il peut tirer fierté, Haydn n’est peut-être pas touché par l’esprit des Lumières au même point que Mozart ou Beethoven. La musique de chambre qui deviendra le symbole de la conversation entre égaux n’est pas tout à fait celle de Haydn. Elle concerte, mais ne converse pas, à l’avantage de ce style classique qui fait entendre un nouveau contrepoint, relevé par Charles Rosen (Le style classique, Gallimard 1978), entre les motifs du dessus et de l’accompagnement. Il faut aussi prêter l’oreille à l’extraordinaire art concertant de Haydn, même si les solos et duos, comme à l’opéra, se croisent avec les autres voix, pour faire réagir le public… Mais sans qu’aucune autonomie ne leur soit accordée dans une histoire qu'ils n'écrivent pas, qui influencerait le cours des choses.

Le Quatuor Psophos est simplement somptueux et de toute jeunesse après 25 ans d'accordages.

Joseph Haydn, Quatuor opus 54, no 2, Adagio, plage 2 (extrait)

 Jean-Marc Warszawski
2 décembre 2022


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Vendredi 2 Décembre, 2022 2:27